"Is a novel still possible today?" Philippe Forest asks at the beginning of his essay "Le Roman, Le réel," grappling with the collapse of every hope and certainty, swept away by the destructive violence of the two world wars, the horror of genocide, and the launch of the atomic bomb. While the answer often wavers in the emptiness, doubt, and indecision of the entire contemporary literary landscape, Forest's position is solid: "yes, without a doubt," but with one defined condition: "the possibility of the novel cannot be conceived without the impossibility of reality." In this perspective, the works of Louis-Ferdinand Céline and Philippe Forest himself are the subject of study and analysis in this thesis, aimed at fostering reflection on the theme of the impossible. Indeed, they never stopped questioning the possibility and necessity of the novel: Céline as a writer and Forest initially as a theorist and later as a novelist. When confronted by the impossible’s call with a reality in ruins, these authors did not shy away and responded with strength. Their emblematic and revolutionary works are examples of this, symbolic representations of the novel of the self: Céline's Guerre and Forest's L'enfant éternel, two novels of the ineffable, the unspeakable, where testimony is powerful and keeps alive the memory, potent and indestructible, of two harrowing experiences the two authors personally endured. On one hand, there is the young soldier Céline, wounded in the head during World War I, and on the other, Forest, deprived of the love of his daughter Pauline, who died at the age of four from osteosarcoma. Two events defined as "impossible" that shattered the linearity of time, causing an irreparable fracture. Out of necessity and through a revolutionary and innovative writing, the novel one, Céline and Forest became spokespeople for this impossibility, never turning their gaze away from the "obscene" nature of the atrocious experiences they lived through. Instead, they chose to narrate them, novel after novel, to give them meaning and save them from the voracious vortex of oblivion that would have otherwise swallowed them forever. Despite being located at opposite poles, the novels Guerre and L'enfant éternel find perfect fusion in the only existing point: the impossible, where, in the form of fiction, truth is revealed, and the real scandal becomes accessible, needing to be spoken, repeated, and shouted out loud. Céline and Forest accept this challenge through the only possible language, the one of the first-person novel. The voice that expresses itself on the page is necessarily that of the "I." An innovative "I" that breaks with the long autobiographical literary tradition, pretending to mimesis experiences of reality on the page. A "paper self" as Forest envisions it, taking shape on the page and unable to exist outside of it, differentiating itself from the author's "flesh-and-blood self." The only "I" created between the characters created by the authors, Ferdinand and Félix, that is capable of bearing witness to the unrepresentable and not succumbing to the temptation of giving up due to the overwhelming weight of the reality to be recounted, thus managing to keep that thread firmly intact that might otherwise risks breaking.
« Un roman aujourd’hui est-il encore possible ? »1 se demande Philippe Forest constatant le réel d’un monde qui a vécu le désespoir de deux conflits mondiaux, l’horreur du génocide et du largage de la bombe atomique, en faisant de la perte de toute certitude l’élément déclencheur de ses réflexions. Si une telle question a fait écho dans le panorama littéraire contemporain, en laissant tout écrivain dans le doute et dans l’indécision, Forest en revanche, a pris une position solide et a donné une réponse affirmative : « oui, sans aucun doute » mais à une condition définie : « le possible du roman ne se conçoit pas sans l’impossible du réel ». L’oeuvre de Louis-Ferdinand Céline et de Philippe Forest lui-même, ont ainsi été choisies comme sujet d’études de ce mémoire, pour cette réflexion sur l’impossible. En effet, ils n’ont jamais cessé de s’interroger sur la possibilité et sur la nécessité du roman. Céline en tant qu’écrivain, Forest tout d’abord comme théoricien, puis comme romancier. Au moment où l’appel impossible du réel les a saisis, ces auteurs n’ont pas reculé, au contraire, ils ont répondu fortement, notamment à travers deux ouvrages emblématiques et révolutionnaires, des symboles représentatifs du roman du Je, Guerre, de Céline et L’enfant éternel de Forest, deux ouvrages représentatifs, situés au cœur de l’impossible des expériences déchirantes que leurs auteurs ont vécues personnellement. D’une part celle du jeune poilu Céline, blessé à la tête pendant la Première Guerre mondiale, et d’autre autre part celle de Forest, privé de l’amour de sa fille Pauline, âgée de quatre ans lorsqu’elle est morte à cause d’un ostéosarcome. Deux événements impossibles et poignants qui ont provoqué une faille, une cassure dans le réel à jamais irréparable. Par nécessité, et non pour combler le vide causé par l’horreur de la guerre et de la mort, ces auteurs se sont fait les porte-paroles, à travers l’écriture, de cet impossible, par nature indicible et ineffable et ils en ont fait le point de départ d’une révolution narrative. Grace à un langage particulier en effet, ils n’ont pas détourné le regard de ce qui gêne, comme la violence sanglante de la guerre, comme la mort d’une fillette. Ils ont au contraire décidé de dire et redire ces expériences, afin de leur donner un sens, afin de les préserver du tourbillon vorace de l’oubli. Écrire ne veut pas dire guérir de ce qu’on a vécu, mais au contraire signifie maintenir vivant le souvenir, la fracture, continuant à garder les yeux bien ouverts sur l’horreur et l’obscénité de ce qu’on a vécu. En arrivant à dire et à témoigner de l’impossible et de l’obscène, ces deux romans se présentent comme deux exemples emblématiques de ce que Forest appelle le « roman du Je », considéré comme le seul roman « vrai » qui se charge de représenter une portion de réel, tout en étant conscient de l’impossibilité de pouvoir le reproduire mimétiquement et fidèlement sur le papier. Concrètement, dans les romans que nous avons analysés, ceux qui disent « je » sur la page sont Ferdinand et Félix, les deux alter ego des auteurs, deux « je de papier » en somme, qui naissent et qui ne vivent que sur la page du roman et qui diffèrent radicalement de leurs auteurs, les « je de chair » et qui arrivent, grâce à la force de la première personne, à tenir tendu ce fil qui autrement risquerait de se rompre.
Louis-Ferdinand Céline e Philippe Forest al cuore dell’impossibile : analisi di Guerre et de L’enfant éternel
PRATO, CORINNE
2022/2023
Abstract
« Un roman aujourd’hui est-il encore possible ? »1 se demande Philippe Forest constatant le réel d’un monde qui a vécu le désespoir de deux conflits mondiaux, l’horreur du génocide et du largage de la bombe atomique, en faisant de la perte de toute certitude l’élément déclencheur de ses réflexions. Si une telle question a fait écho dans le panorama littéraire contemporain, en laissant tout écrivain dans le doute et dans l’indécision, Forest en revanche, a pris une position solide et a donné une réponse affirmative : « oui, sans aucun doute » mais à une condition définie : « le possible du roman ne se conçoit pas sans l’impossible du réel ». L’oeuvre de Louis-Ferdinand Céline et de Philippe Forest lui-même, ont ainsi été choisies comme sujet d’études de ce mémoire, pour cette réflexion sur l’impossible. En effet, ils n’ont jamais cessé de s’interroger sur la possibilité et sur la nécessité du roman. Céline en tant qu’écrivain, Forest tout d’abord comme théoricien, puis comme romancier. Au moment où l’appel impossible du réel les a saisis, ces auteurs n’ont pas reculé, au contraire, ils ont répondu fortement, notamment à travers deux ouvrages emblématiques et révolutionnaires, des symboles représentatifs du roman du Je, Guerre, de Céline et L’enfant éternel de Forest, deux ouvrages représentatifs, situés au cœur de l’impossible des expériences déchirantes que leurs auteurs ont vécues personnellement. D’une part celle du jeune poilu Céline, blessé à la tête pendant la Première Guerre mondiale, et d’autre autre part celle de Forest, privé de l’amour de sa fille Pauline, âgée de quatre ans lorsqu’elle est morte à cause d’un ostéosarcome. Deux événements impossibles et poignants qui ont provoqué une faille, une cassure dans le réel à jamais irréparable. Par nécessité, et non pour combler le vide causé par l’horreur de la guerre et de la mort, ces auteurs se sont fait les porte-paroles, à travers l’écriture, de cet impossible, par nature indicible et ineffable et ils en ont fait le point de départ d’une révolution narrative. Grace à un langage particulier en effet, ils n’ont pas détourné le regard de ce qui gêne, comme la violence sanglante de la guerre, comme la mort d’une fillette. Ils ont au contraire décidé de dire et redire ces expériences, afin de leur donner un sens, afin de les préserver du tourbillon vorace de l’oubli. Écrire ne veut pas dire guérir de ce qu’on a vécu, mais au contraire signifie maintenir vivant le souvenir, la fracture, continuant à garder les yeux bien ouverts sur l’horreur et l’obscénité de ce qu’on a vécu. En arrivant à dire et à témoigner de l’impossible et de l’obscène, ces deux romans se présentent comme deux exemples emblématiques de ce que Forest appelle le « roman du Je », considéré comme le seul roman « vrai » qui se charge de représenter une portion de réel, tout en étant conscient de l’impossibilité de pouvoir le reproduire mimétiquement et fidèlement sur le papier. Concrètement, dans les romans que nous avons analysés, ceux qui disent « je » sur la page sont Ferdinand et Félix, les deux alter ego des auteurs, deux « je de papier » en somme, qui naissent et qui ne vivent que sur la page du roman et qui diffèrent radicalement de leurs auteurs, les « je de chair » et qui arrivent, grâce à la force de la première personne, à tenir tendu ce fil qui autrement risquerait de se rompre.File | Dimensione | Formato | |
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